Aller au contenu

 

Un doctorat pour ses 80 ans

Laszlo Csano a salué la foule après avoir reçu son diplôme de doctorat.
Laszlo Csano a salué la foule après avoir reçu son diplôme de doctorat.
Photo : Charles Couture

25 septembre 2008

Robin Renaud

À 80 ans, Laszlo Csano a montré qu'il n'y a pas d'âge pour nourrir sa quête de connaissance et de savoir. En effet, il a reçu son doctorat en théologie des mains du recteur Bruno-Marie Béchard, sous les applaudissements enthousiastes des 13 000 personnes réunies samedi au stade de l'Université de Sherbrooke. La foule a donc eu l'occasion d'acclamer non seulement des doyens des neuf facultés, mais aussi le doyen parmi les quelque 3776 diplômés.

Le parcours de ce diplômé est marqué par une passion ininterrompue pour le monde de l'enseignement et des études. Immigrant au Canada en 1956, fuyant la révolution hongroise, Laszlo Csano arrive au Québec avant de s'installer à Toronto où il sera enseignant au secondaire. Après une première maîtrise à McGill, il devient enseignant au Collège Champlain, à Saint-Lambert.

Arrivé à la retraite à 72 ans, Laszlo Csano souhaitait relever un nouveau défi intellectuel. «Je suis particulièrement fier de ce diplôme, surtout que ça a été très difficile de réussir à préparer une thèse en français, pour moi qui a enseigné pendant 33 ans en anglais», a-t-il expliqué. Un exploit que salue son directeur de recherche, le professeur Jean Desclos : «Il a fait preuve d'une grande ténacité, puisque le français est en quelque sorte sa 4e langue, le hongrois étant sa langue maternelle, l'allemand sa 2e, l'anglais sa 3e. J'ai été son coach, son parrain, parfois son père fouettard afin de l'aider à surmonter les difficultés à bien traduire les idées qu'il voulait exprimer, et je suis fier qu'il y ait réussi.»

Théologie libre

Laszlo Csano a consacré sa thèse au théologien allemand Bernard Häring et à sa contribution au renouveau de la théologie morale. «Il était un grand représentant de la théologie morale, et il était contestataire, notamment en réaction à des encycliques de Paul VI en 1968 sur sa position à l'égard des réfugiés est-allemands. Il a aussi contesté la rigidité du Vatican concernant la pilule contraceptive», résume le nouveau docteur.

Le professeur Patrick Snyder, qui a agi comme évaluateur à la soutenance de thèse, trouve remarquable qu'un homme de la génération de Laszlo Csano ait choisi d'étudier un théologien comme Häring : «Cela témoigne d'une volonté de sortir la théologie du dogmatisme romain, et Häring a douté toute sa vie de la doctrine imposée par le Vatican. À 80 ans, Laszlo Csano a choisi un personnage libre qui a gardé une distance critique et qui a souvent questionné les grandes idéologies. Ça montre qu'il est attaché aux grandes problématiques humaines actuelles.»

Jean Desclos renchérit en indiquant que la démarche de son doctorant s'est sans doute faite en écho à son propre vécu personnel : «Comme Häring, c'est un homme qui a souffert et qui a cherché des façons d'expliquer sa propre condition de vie.»

Une suite au projet

Fièrement revêtu de la toge de l'Université, Laszlo Csano espère que son projet n'en restera pas là. «Dieu m'a donné jusqu'à 80 ans pour réaliser ce projet. J'espère qu'il va me donner un autre 10 ans, parce que je veux traduire ma thèse en allemand, et en espagnol aussi. J'ai encore envie de continuer à étudier et à travailler», dit-il, enthousiaste.

Celui qui a consacré 33 ans à enseigner souhaite aussi transmettre un message aux jeunes, comme il l'a toujours fait durant sa carrière. «Je suis très heureux d'avoir eu la chance de faire la preuve que je pouvais me présenter encore une fois aux études. Pour reprendre les mots que j'employais au cégep pour pousser mes élèves au travail, ça me fait de la peine de voir une partie de la jeunesse gaspiller son temps. Il faut que les jeunes montrent une plus grande concentration et évitent de se balader d'un domaine à l'autre. Avec les études, vous pourrez mieux faire face aux responsabilités de la vie et de la famille et vous vous assurerez un meilleur avenir», conclut-il.